Les insectes, je vous les sers morts ou vifs ?
Histoire vraie : Nous sommes dans une salle de conférence à Louviers dans l’Eure. Le sujet de l’intervenant s’intitule « Entomophagie ou consommation des insectes par l’homme ».
Devant une assistance curieuse mais quelque peu sceptique, il explique que si criquets, coléoptères, hyménoptères et autres larves d’insectes sont souvent considérés comme une nuisance et un danger pour les cultures, ils peuvent efficacement contribuer à lutter contre la pénurie alimentaire dans les décennies à venir ; beaucoup seraient en effet comestibles, riches en protéine et faciles à produire en grandes quantités.
Dans la salle, les plus réticents jurent qu’on ne les prendra jamais à une telle barbarie, qu’ils trouveront toujours une solution moins répugnante pour se nourrir, quoiqu’il en coûte…Mais n’apprennent-ils pas avec stupeur qu’ils sont déjà entomophages sans le savoir ? Qu’entre les ténébrions, ces petits vers de farine broyés dans le pain et les pâtisseries, les larves qui habitent la plupart des fruits rouges et les champignons matures…ils consomment déjà à leur insu environ 700 grammes d’insectes par an !
On explique qu’en Thaïlande ou en Amazonie les grillons ou les impressionnants vers de palmier longs de 5 cm, sont souvent préférés crus. Pour animer la phase finale de son exposé, le conférencier fait passer une boite transparente qui contient des criquets et des grillons bien vivants pour que chacun puisse observer de près les insectes avant torréfaction et aromatisation. Une aubaine pour un participant intrépide qui s’est emparé d’un pauvre grillon sans défense, lequel ne s’attendait probablement pas à finir entre les dents d’un tel prédateur ! D’après lui le gout était plutôt plaisant et lui rappelait la noisette ou l’amande.
Forts de cette prouesse les plus réticents se sont dit prêts à tester peut-être, à l’occasion, mais plus tard, un gratin parmentier aux sauterelles ou une quiche aux petits vers de farine… à condition que les insectes soient bien cuits et broyés ! Mais hors de question de consommer la bête en l’état et d’expérimenter le casgiu merzu, ce fameux fromage corse qui bouge tout seul dans l’assiette.
Le premier pas est difficile, la barrière étant essentiellement culturelle ; si on commence aujourd’hui à présenter ces petites bêtes en amuse-bouche lors d’apéritifs insolites, les occidentaux sont encore bien loin de grossir les rangs des deux milliards d’adeptes qui en font leurs plats préférés.
