Match France-Belgique pour l’origine de la frite
Attachés de longue date à leur steak-frites, les Français sont persuadés que leur plat préféré est né dans la capitale. Il est vrai qu’au 18ème siècle l’agronome et nutritionniste Antoine-Augustin Parmentier a vanté les bienfaits de la pomme de terre et en a fait la promotion auprès du couple royal. C’est juste après la Révolution que les premières pommes de terre, sous forme de rondelles ou de beignets, sont passées dans la bassine à frire. Ces fritures sont d’abord cuisinées et vendues sur les ponts de Paris d’où l’appellation « pommes Pont-Neuf ». Elles prennent la forme de bâtonnets au début du 19ème siècle, époque où vendeurs et vendeuses prolifèrent dans les rues fréquentées de Paris. Le cornet de pommes de terre frites est bon marché et devient le met populaire parisien qui est convoité aussi bien par le poulbot, l’artiste bohême ou l’ouvrier.
Nos amis belges, quant à eux, sont convaincus que leur plat emblématique tire ses origines non pas de France, comme le prétendent leurs prétentieux voisins, mais de leur propre pays. Des historiens de la gastronomie belge attestent en effet de leur présence dans la vallée de la Meuse près de Liège à la fin du 17ème siècle : les villageois wallons, habitués à la friture de poissons pêchés dans la rivière, auraient été contraints de trouver un substitut pendant les grands frimas d’hiver qui transformaient le fleuve en patinoire ; faire frire des pommes de terre dans la graisse animale aurait été, dit-on, la seule solution pour éviter la disette.
Comme dans tout conflit il faut un arbitre, nous nous en référons avec fair-play aux propos de l’historien belge Pierre Leclercq :
Pierre Leclercq indique par ailleurs que l'arrivée des frites en Belgique serait « le fait de l'Allemand Frederik Krieger qui a appris à confectionner les frites à Montmartre avant de s'installer en Belgique en 1842 pour ouvrir la première baraque à frites du pays ». Les frites se sont alors imposées progressivement comme le plat national, confortant ainsi, mais à tort, l’idée que la pomme de terre frite en bâtonnets est née sur le sol belge, ce qui justifie la construction du musée qui lui est dédié à Bruges.
Pour l’origine de la frite la France est donc déclarée vainqueur ; mais dans l’hexagone on reconnait volontiers une supériorité à nos gastronomes belges : les meilleures frites sont bruxelloises ou brugeaises et cela s’explique ; les pommes de terre à chair farineuse comme la bintje sont utilisées de préférence à d’autres variétés car leur taux élevé d’amidon permet d’obtenir des batônnets croustillants et légers ; en effet l’amidon forme une croûte dorée en surface qui limite la pénétration de la graisse de boeuf utilisée pour la cuisson.
Celle-ci se fait traditionnellement en 2 temps comme le pratiquaient nos grand-mères : une précuisson d’environ 10mn à température moyenne, suivie, juste avant de servir, d’une seconde immersion plus rapide à température plus élevée, ceci ayant pour effet de dorer les frites et de les saisir en surface.
Dotée d’un met d’une telle saveur, on comprend mieux qu’avec 16 kg de frites consommées par personne et par an, la Belgique occupe la plus haute marche du podium dans sa spécialité.
